Souvent nous vivons le Carême uniquement sous le signe de la privation, du jeûne et de l’abstinence. Il est alors vu comme un temps astreignant et ardu. Certes, la privation fait partie du carême. Ainsi on voit se développer au-delà du jeûne traditionnel de la nourriture, le « jeûne pour la terre », le « jeûne de réseaux sociaux », le « jeûne à base de pain et d’eau », le « jeûne de la parole », etc. La pratique emblématique du jeune, longtemps jugée trop doloriste, connaît une résurgence sous de nouvelles formes. Mais le carême ne se réduit pas au jeûne. Le risque de mettre l’accent uniquement sur les privations est évidemment de réduire ce temps liturgique à une somme d’exercices pieux à accomplir d’un air contrit.
Or l’évangile du mercredi des Cendres (22 février cette année) – qui ouvre ce temps liturgique – nous rappelle que, avant d’être un temps de privation, le Carême est d’abord une invitation à réapprendre à « devenir des justes ». Il est le temps de la vie véritable, c’est-à-dire le temps de la conversion de nos rapports à Dieu, aux autres et à soi. Le carême résonne comme un appel vigoureux à nous départir de l’usage tordu de la religion pour retrouver l’essentiel, c’est-à-dire le Christ et son évangile. Aussi, le Carême résonne-t-il comme une invitation à nous dépouiller pour être libres, sans pour autant rétrécir notre vie. Le carême est un appel à entrer dans l’étonnante transformation de notre humanité, dont l’origine est dans la Pâque du Christ.
Il nous faut donc apprendre à nous désencombrer, comme Jésus le demande à ces religieux pieux, dont il dénonce l’hypocrisie, ces courtisans de la religion, qui font belle figure pour mieux impressionner les autres. Mais n’allons pas croire trop vite que nous ne sommes pas hypocrites comme eux. À nous aussi, Jésus demande d’ôter nos masques et de nous laisser modeler par sa parole afin de mieux nous ajuster dans nos relations avec nos sœurs et nos frères.
Loin d’être un programme d’exception, le message du Carême nous appelle au contraire à des ajustements nécessaires dans la vie. Rappelons-nous que, le temps fort, c’est Pâques : passage du peuple hébreu de la servitude à la liberté ; passage, de Jésus, de la nuit du tombeau à la clarté de la vie. Les moments forts sont importants : ils nous transforment et nous convoquent à la vie. Nous avons quarante jours pour nous rappeler que cela est une affaire de tous les jours. Puisse ce Carême nous convertir en nous amenant à choisir l’essentiel. Je nous souhaite de le vivre avec beaucoup de générosité et de joie.
Pendant ce carême 2-23, le diocèse nous invite à revisiter quelques priorités pastorales qui ont été identifiées durant la phase synodale diocésaine et de les redéployer à lumière des lectures évangéliques des dimanches du carême. Ainsi, de semaine en semaine, pendant ce carême, nous proposons de marcher ensemble tout en étant attentifs aux familles, aux ainés, aux jeunes, à l’accueil.
